CETTE FILLE NE LAISSE PAS DE PIERRE
Il arrive parfois de
refermer un livre avec un sentiment de gêne, d’incompréhension ou de mépris. En
bas de la page 305, ultime du roman de Véronique Ovaldé, j’ai ressenti une
forme de honte (envers moi-même). Et formulé cette question : Comment
ai-je pu attendre son dixième bouquin pour me mettre à lire les mots imprimés de
la dame brune que j’avais aperçue à la télévision et dans les journaux qui
parlent littérature ? Quelle révélation pour l’inculte que je suis et que
je demeure ! Il est rare de penser cela mais j’ai absolument tout aimé de
« Fille en colère sur un banc de pierre ». Absolument tout. Même
cette peu fréquente mais régulière coquetterie du saut de ligne en plein milieu
d’une phrase. Le genre de caprice qui, normalement, hérisse sur ma tête les
cheveux que je n’ai plus depuis dix ans. Mais là tout est juste, puissant,
subtil, intelligent, drôle, fort, beau. Maîtrisé oserais-je dire. Mais de cette
maîtrise qui n’empêche pas les envolées naïves et les gros mots élégants, de celle
qui évite les facilités et les soubresauts programmés parce que, pour attirer
le chaland et les critiques, « il faut que ça bouge dans l’histoire
parce que sinon c’est trop lent et que il faut qu’il se passe plein de trucs
parce que sinon hein on s’ennuie ».
Ovaldé distille avec mesure
et grâce les évènements passés dans l’histoire du présent de cette fille sur un
banc de pierre, Aïda, qui revient sur son île italienne et dans sa famille
quinze ans après son départ forcé. Une tragédie de naguère domine, tragédie avec
laquelle la fille bannie tente de vivre comme le font les gens exceptionnels, c’est-à-dire
« comme ils peuvent ». La galerie de portraits de la smala, des habitants
de la ville est magnifiquement réalisée par l’auteure, dans une inspiration à
la Velázquez où l’on se doit de faire du beau avec des faces de rois consanguins.
L’espace d’un roman, Aïda devient la petite-sœur chérie de quiconque se sera
senti pas assez aimé, rejeté, étranger. De qui aura souffert de la plus grande
souffrance possible, cette torture créée par le diable et dénommée « culpabilité ».
« Fille en
colère sur un banc de pierre » de Véronique Ovaldé. Éditions Flammarion.
21 euros.
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