dimanche 25 juin 2023

 

LA JEUNE FEMME ET LE WESTERN

 

      - Ah bon, on écrit encore des westerns aujourd’hui ?

La question fusa entre mes lèvres sans presque passer par le cerveau. Sûrement du fait de mon inculture, ma réaction conjugua d’abord la méfiance, l’étonnement et l’admiration. Je venais de prendre en main le livre à la couverture noire et rouge de feu. Un premier roman « Black Mesa » signé par Ophélie Roque et qui vient de sortir aux éditions Robert Laffont. Avant d’ouvrir le bouquin, je me dis toutefois qu’il fallait avoir le courage des cavaliers de rodéo sans selle pour, à trente-deux ans et un passeport 100% français, s’aventurer à raconter une histoire de conquête de l’ouest se déroulant entre 1887 et 1889. Et puis j’ai lu quelques lignes. Et puis quand j’ai relevé le nez pour la première fois, quatre-vingts pages avaient défilé entre mes doigts eux-aussi blessés de moiteur. J’avais soif, un peu comme Franck et Ron qui souffraient la longue traversée d’un désert cruel au sein d’un convoi chamarré de rêveurs, de désespérés et de salauds. Tous morts en puissance et beaucoup en réel. 

Franck avait acheté (très cher) une terre inconnue dénommée « Black Mesa », très loin là-bas dans l’Arizona d’avant le Las Vegas des machines à sous et des seins gonflés à l’hélium. Il a embarqué son père, vieux chiqueur de tabac et de misanthropie, pour s’installer comme fermier. Le tout donne un récit dur et enivrant, où l’odeur de la crasse et du sang accompagne les mots ciselés par Ophélie Roque, magnifique conteuse de tristesses et d’espoirs. Au fil des pages, j’ai souvent ressenti mes années d’enfance du mardi soir et ces westerns de la « dernière séance » à la télé présentée par Eddy Mitchell (pas plus américain que notre auteure). « Black Mesa » est un livre déroutant, un roman réussi. Un culot devenu bouquin. Et très bon bouquin.

"Black Mesa" d’Ophélie Roque. Editions Robert Laffont. 19 Euros.

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